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12/09/2022

Une question de droit de l'Union : comment fixer des plafonds sur les prix de l'électricité en tant qu'État membre ?

Les prix du gaz et de l'électricité sont au centre des débats politiques en Europe.  Chaque semaine qui passe montre un nombre croissant de ménages et d'entreprises en difficulté.  Les États membres peuvent-ils prévenir d'autres dommages par des mesures unilatérales telles que le plafonnement des prix ou des marges bénéficiaires ?  La Grèce a adopté un plafonnement de la marge bénéficiaire de 30 % sur les prix de la fourniture d'électricité et d'autres produits essentiels.  La mesure est effective depuis juillet 2022 et l'inflation a chuté ce même mois en Grèce.

Une question de droit de l'Union : comment fixer des plafonds sur les prix de l'électricité en tant qu'État membre ?

Les ministres de l'énergie des 27 États membres de l'Union européenne ont demandé le 9 septembre 2022 à la Commission européenne de présenter une proposition pour fixer un plafonnement des prix du gaz.  La proposition de la Commission européenne devrait être rendue d'ici fin septembre 2022. Mais qu'en est-il du plafonnement des prix de la fourniture d'électricité ?  Les États membres ont-ils également besoin d'initiatives de la Commission dans ce domaine ? 

La Grèce a décidé en mars 2022 que pour protéger ses ménages et ses entreprises contre les effets de la guerre en Ukraine, elle devait organiser pour certains besoins essentiels un plafonnement de la marge bénéficiaire à 30 % sur la base des coûts de production historique avant le 1er septembre 2021. Elle a demandé au printemps 2022 l'autorisation de la Commission européenne de mettre en place un plafond de marge bénéficiaire sur les prix de l'électricité pour les ménages et les entreprises et sur d'autres produits essentiels pour les consommateurs tels que la nourriture ou les services de transport. 

La loi grecque qui a fixé ces plafonds est entrée en vigueur en juillet 2022. L'inflation a chuté en Grèce le même mois.  Certains suggèrent un lien avec la baisse des prix du pétrole. Bien qu'au cours de ce mois, les prix du pétrole brut par baril en Europe aient chuté de plus de 10 USD, aucun effet de ce type sur l'inflation n'a été constaté dans la plupart des autres États membres.  Selon les statistiques de la Commission européenne, l'inflation globale a augmenté dans l'Union européenne en juillet 2022.  La Commission européenne a toutefois noté pour ce mois une baisse de l'inflation de 1,6 % pour la Grèce.  Seuls deux autres États membres (Italie et Luxembourg) ont enregistré une baisse d'environ 1 %.  Cela suggère un lien avec l'entrée en vigueur des mesures. Quel droit de l'Union européenne a permis ce plafonnement de la marge bénéficiaire à 30 % sur les prix de la fourniture d'électricité ? Les autres États membres doivent-ils maintenant suivre cet exemple en attendant l'accord entre États membres sur le plafonnement des prix du gaz et sa mise en œuvre ?

Wanted Law a posé la question à l'avocat Paul Verhaeghe de Wanted Law Tax.

Qu'a décidé la Grèce ?

Dans les premières semaines de mars 2022, le gouvernement grec a informé la Commission européenne d'une série de mesures qu'il envisageait pour aider les ménages, les entreprises et les agriculteurs à faire face aux prix de l'énergie.  Dans une allocution télévisée de mai 2022, le Premier ministre grec a annoncé la mise en place d'un système, effectif à partir de juillet 2022, qui déconnecte les hausses internationales des prix du gaz naturel des factures d'électricité car :

"La Grèce n'attendra pas la solution de l'Europe, qui prend trop de temps.  Les difficultés des ménages et des entreprises ne peuvent plus attendre."

Le régime fixe un plafond de 30 % de marge bénéficiaire sur les coûts de production de l'électricité en vigueur avant le 1er septembre 2021.  Les bénéfices qui dépassent cette marge doivent être imposés au titre d'un "dividende de solidarité" à un taux de 90 %. Les taxes collectées doivent être réparties entre les consommateurs dont le revenu annuel ne dépasse pas 45 000 euros.

Que signifie une marge bénéficiaire de 30 % sur les coûts de production historique ?

Cette notion de marge bénéficiaire peut se rapporter à une marge bénéficiaire brute (recettes moins les coûts des marchandises vendues), à une marge bénéficiaire opérationnelle (recettes moins les coûts des marchandises vendues et les dépenses opérationnelles, souvent appelée EBIT) ou à une marge bénéficiaire nette (recettes moins toutes les dépenses, souvent appelée EBITDA).

Lors de la fixation d'une marge, il est donc logique de fixer une marge plus élevée si l'on vise une marge bénéficiaire brute et une marge plus faible si l'on vise une marge bénéficiaire nette.  En fixant une marge qui ne concerne que les coûts de production de l'électricité, la Grèce a opté pour une marge bénéficiaire brute. On pourrait donc considérer qu'une marge bénéficiaire brute plafonnée à 30 % est trop faible et peut entraver les investissements. Surtout si l'on considère que pour les coûts de production les prix ont augmenté depuis le 1er septembre 2021. Par le seul effet de l'inflation, les revenus seront boostés.  La part du bénéfice net qui peut échapper à un taux d'imposition de 90 % diminuera en conséquence de cette hausse.

Cette marge bénéficiaire brute de 30 % basée sur les coûts de production historique pourrait à son tour entraver les décisions d'investissement dans les énergies renouvelables.  Ceci en raison de la distorsion entre les coûts de production réelle et une marge bénéficiaire nette suffisante qui peut se situer dans les limites de cette marge bénéficiaire de 30 % sur les coûts de production historique.

La remarque critique no. I

Cela I concerne les coûts de production historique comme critère pour un plafond de marge bénéficiaire de 30 % sur les prix de l'électricité.

Un plafond de marge bénéficiaire brute de 30 % est trop faible. L'utilisation d'un coût de production historique ne tient pas compte de l'effet de l'inflation sur cette marge. Cette méthode d'ingérence dans la fixation des prix de l'approvisionnement en électricité peut ainsi entraver les décisions d'investissement dans les énergies renouvelables.

Quel droit de l'Union interdit l'ingérence des États membres dans les prix de l'énergie ?

Il y a d'une part le principe de base dans l'Union de l'énergie selon lequel les États membres ne peuvent pas perturber la manière dont les prix de gros de l'énergie sont formés par les marchés.  Les règlements n° 2019/941[1] et n° 2019/943[2] imposent ce principe.  L'article 3 (b) du règlement n° 2019/943 fixe l'obligation générale pour les États membres que les règles du marché doivent encourager la libre formation des prix et ne pas conduire à des actions qui empêchent la formation des prix basée sur la demande et l'offre.  L'article 10 de ce même règlement interdit de fixer une limite maximale ou minimale au prix de gros de l'électricité.

Fixer un plafond sur les prix de gros de l'électricité nécessite de modifier l'interdiction de le faire dans ce règlement. Cela ne peut pas être fait dans le cadre de la procédure de mise en œuvre des règlements. Le Conseil européen n'a pas de fonctions législatives (articles 15 (1) et 31 du TUE) ; il doit le faire avec le Parlement européen (article 16 (1) du TUE). Les actes législatifs doivent être proposés par la Commission européenne, sauf lorsque les traités en disposent autrement (article 17 (2) du TUE). Dans le domaine de l'énergie, on ne trouve pas dans les traités de dispositions qui dérogent à la procédure législative ordinaire. Modifier ces dispositions, en fixant des plafonds maximums pour l'électricité sur les marchés de gros, nécessitera de s'engager dans le processus législatif d'adoption de nouvelles dispositions dans ces règlements. Il faudra donc probablement plusieurs mois avant que ces dispositions puissent devenir applicables sur ces marchés de gros.

Toutefois, l'approche envisagée consiste à intervenir dans cette affaire par le biais de l'article 122 du TFUE qui permet, également dans le domaine de l'énergie, au Conseil d'adapter unilatéralement des mesures sur proposition de la Commission dans un court laps de temps en présence d'une urgence.   Ce n'est pas la première fois que l'Union européenne est confrontée à une crise énergétique : lors de la crise pétrolière de 1974, les États membres ont également voulu fixer des prix maximums.  La Cour de justice a jugé le 23 janvier 1975 dans l'affaire C-31/74[3] que pour lutter contre une hausse des prix, les États membres doivent prendre, au niveau communautaire, les mesures nécessaires pour inciter l'autorité communautaire compétente à instituer ou à autoriser des mesures conformes à l'exigence des règlements antérieurs qui organisent le marché unique dans ce domaine.  La Cour de justice a ainsi distingué l'intervention dans la formation des prix de gros - telle qu'elle est organisée par les règlements qui, pour les besoins du marché unique dans ce domaine, accordent des droits ayant un effet direct en faveur des parties privées - de l'intervention dans la formation des prix au stade de la vente au détail ou de la consommation, où une action pourrait être autorisée à condition de ne pas compromettre les objectifs de fonctionnement de l'organisation commune du marché en question. Il convient donc d'être prudent en ce qui concerne les règlements adoptés selon la procédure de l'article 122 du TFUE lorsque ces règlements visent à intervenir dans la formation des prix sur les marchés de gros et à modifier ainsi les droits à effet direct accordés à des parties privées en vertu des règlements qui organisent ce marché unique et qui ont été adoptés selon la procédure ordinaire.  En d'autres termes, un règlement adopté en vertu de l'article 122 du TFUE peut-il avoir pour effet d'annuler ou, dans une certaine mesure, de remplacer les dispositions des règlements adoptés selon la procédure ordinaire ?

D'autre part, le principe de base de l'Union de l'énergie est que le prix que les utilisateurs doivent payer pour leur électricité doit être fixé librement par leurs fournisseurs.   Ce principe est énoncé à l'article 5, paragraphe 1, de la directive n° 2019/944[4].  L'article 5, paragraphe 2, interdit d'intervenir dans la fixation du prix de la fourniture d'électricité dans le but de protéger les clients résidentiels vulnérables et en situation de précarité énergétique. Cette protection doit être organisée par la politique sociale ou par d'autres moyens.

 

[1] RÈGLEMENT (UE) 2019/941 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 5 juin 2019 sur la préparation aux risques dans le secteur de l'électricité et abrogeant la directive 2005/89/CE, JO, 14 juin 2019, L 158/1, L'article 16 autorise des "mesures non fondées sur le marché" en cas de crise de l'électricité, mais uniquement en dernier recours, et elles doivent être nécessaires, proportionnées, non discriminatoires et temporaires.  Le lien avec cette réglementation est que lorsque les prix deviennent trop élevés, certains utilisateurs sont coupés de l'approvisionnement en énergie, ce qui entraîne une crise énergétique du côté de la demande du marché qui conduit à une surproduction programmée allant au réseau et que des plafonds de prix ou de marge bénéficiaire excessifs peuvent entraver les décisions de production d'électricité et entraîner à terme des crises électriques du côté de l'offre du marché par rapport à la capacité prévue de production d'électricité.

[2] RÈGLEMENT (UE) 2019/943 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l'électricité, JO, 14 juin 2019, L 158/54, Articles 3 (b) and 10.

[3] CJUE, 23 janvier 1975, affaire 31/74, Filippo Galli, §§ 32 - 34

[4] DIRECTIVE (UE) 2019/944 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE, JO, 14 juin 2019, L 158/125.

Quel droit de l'Union permet l'intervention des États membres dans le prix de l'électricité ?

L'article 5(3) de la directive n° 2019/944 organise une dérogation spécifique à l'interdiction d'interférer dans la fixation des prix de la fourniture d'électricité.  Cette dérogation vise à protéger les clients domestiques en situation de précarité énergétique ou de vulnérabilité (mesures nationales plus communément appelées " tarifs sociaux ").  L'article 29 stipule que ces notions doivent être définies par les États membres à l'aide d'une série de critères, qui peuvent inclure un faible revenu, des dépenses élevées du revenu disponible en énergie et une mauvaise efficacité énergétique.

L'article 9, paragraphe 2, de la directive prévoit une deuxième dérogation, intitulée "obligations de service public", qui permet d'imposer aux entreprises d'électricité des mesures relatives au prix de la fourniture d'électricité en général.  Ces obligations de service public doivent tenir pleinement compte des dispositions pertinentes du TFUE, notamment de l'article 106, et doivent être nécessaires dans l'intérêt économique général. Sans intervenir dans les prix de gros de l'électricité, les États membres peuvent ainsi intervenir dans la manière dont les prix pour la fourniture d'électricité sont formés.

La mesure grecque vise à protéger l'économie générale (ménages et entreprises) contre les prix excessifs de la fourniture d'électricité. Dans la mesure où la protection concerne également les entreprises, elle doit être conforme aux exigences de l'article 9, paragraphe 2 de la directive n° 2019/944. La nécessité de protéger les entreprises et les ménages est également présente dans d'autres États membres, qui pourraient donc envisager des mesures temporaires similaires pour protéger leur économie.

Quelles sont les conditions requises pour de telles interventions sur les prix de l'électricité fournie ?

Lorsque l'on envisage de telles obligations de service public, une série d'exigences doivent être respectées :

  • Les exigences de l'article 106, paragraphe 2 du TFUE : Les entreprises chargées de la gestion de services public d'intérêt économique général peuvent voir les droits que leur confèrent les traités réduits lorsque les tâches particulières qui leur sont assignées l'exigent.
  • Un plein respect des dispositions du TFUE. 

Des dispositions protectrices pertinentes peuvent être trouvées à l'article 9 du TFUE qui fixe comme objectif la promotion d'un niveau d'emploi élevé, ou à l'article 12 du TFUE qui fixe comme objectif les exigences en matière de protection des consommateurs, ou à l'article 119 (1) du TFUE qui se rapporte aux objectifs de l'article 3 du TUE (parmi lesquels une croissance économique équilibrée et la stabilité des prix), ou à l'article 119 (2) du TFUE qui stipule que la stabilité des prix doit être l'objectif principal des politiques économiques générales dans l'Union, ou à l'article 126 (1) du TFUE qui demande aux États membres d'éviter les déficits publics excessifs.

  • Les exigences prévues à l'article 5 (4) et (5) de la directive n° 2019/944 lorsque l'obligation générale de service interfère dans le prix de la fourniture d'électricité :
  1. Poursuivre un intérêt économique général et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet intérêt économique général.
  2. Être clairement définies, transparentes, non discriminatoires et vérifiables.
  3. Garantir l'égalité d'accès des entreprises d'électricité de l'Union aux clients.
  4. Être limitées dans le temps et proportionnées quant à leurs bénéficiaires.
  5. Ne pas entraîner de coûts supplémentaires pour les acteurs du marché de manière discriminatoire.
  • Les exigences énoncées à l'article 9, paragraphe 2, de la directive 2019/944 :
  1. Être adoptées dans le seul but d'intérêt économique général.
  2. Avoir des critères clairement définis, transparents, non discriminatoires et vérifiables.
  3. Garantir l'égalité d'accès des entreprises d'électricité de l'Union aux clients nationaux.

Quel est le lien entre les plafonds de prix et les plafonds de marge bénéficiaire et ces exigences ? - Plafonnement des prix du gaz

Un plafonnement des prix du gaz conduit à un prix unique pour l'ensemble du marché européen.  Il doit être fixé à un niveau suffisamment élevé pour maintenir un niveau suffisant d'importation et de production au sein de l'Union européenne. Il peut être moins efficace pour protéger l'intérêt économique général. Il faut veiller à appliquer des modifications rapides lorsque les prix du gaz changent.  Cette mesure pourrait pousser des fournisseurs à fixer les prix à l'égard de leurs clients à ce même niveau de prix plafonné.

Un plafond de marge bénéficiaire brute pour le gaz frappera en principe les groupes qui produisent du gaz dans l'Union européenne. Les groupes qui acquièrent leur gaz ne seront soumis à cette mesure que s'ils peuvent importer à bas prix. Un effet similaire à celui du plafonnement des prix pourrait se produire : la marge bénéficiaire brute plafonnée deviendra la norme pour la fixation des prix de fourniture du gaz.  Toutefois, les groupes qui produisent du gaz dans l'Union européenne peuvent, lorsqu'ils "épuisent" cette marge bénéficiaire brute plafonnée dans leur prix, être contraints de fournir du gaz à un moindre prix, obligeant les autres fournisseurs qui dépendent principalement du gaz importé à réduire leurs marges bénéficiaires brutes afin de conserver leur part du marché.   

Dans l'autre sens d'une telle mesure, les prix du gaz pourraient s'effondrer dans d'autres parties du monde et le gaz produit en Europe devrait alors réduire sa marge bénéficiaire brute afin de suivre la baisse du prix d'approvisionnement du gaz importé.  Ces effets pourraient-ils être considérés comme discriminatoires au regard des exigences du GATT ou existe-t-il une raison objective au titre de la nécessité de protéger l'intérêt économique général ?

Dans le domaine de la production de gaz, il convient également de noter qu'une grande partie des coûts de production est constituée par les compensations qui doivent être versées par les groupes aux pays qui leur ont accordé des concessions sur les gisements de gaz situés sur leur territoire national. L'imposition des bénéfices excédentaires, qui tient compte de ces compensations, permet de rétablir dans une certaine mesure des conditions de concurrence équitables. Des marges suffisamment élevées permettent à leur tour d'élargir la base d'imposition pour financer l'aide.

La fixation de niveaux suffisamment élevés pour les deux types de plafonds peut être nécessaire pour maintenir la production en Europe et produire des effets plus proportionnels pour toutes les entreprises sur ce marché.

Quel est le lien entre les plafonds de prix et les plafonds de marge bénéficiaire et ces exigences ? - Plafonds pour l'électricité

Les entreprises d'électricité disposent de plusieurs moyens pour acquérir l'électricité qu'elles fournissent à leur tour à leurs clients.  Elles peuvent la produire entièrement au sein du groupe dont elles font partie, l'acheter entièrement ou utiliser un mélange des deux.  Les États membres qui ont plus de soleil ou de vent, avec ou sans sites nucléaires, auront un mix de production différent ; leurs groupes nationaux auront généralement un mix de coûts de production intrinsèquement différent. Un plafonnement unique des prix de l'électricité fournie à l'ensemble de l'Union européenne peut alors se traduire par des marges bénéficiaires importantes pour certaines entreprises d'électricité et par des bénéfices faibles ou nuls pour d'autres. Un plafonnement des prix fausse aussi fortement la concurrence puisqu'il peut être considéré comme une autorisation de demander ce prix et peut maintenir les prix de l'énergie artificiellement élevés sur une longue période.

Il y a lieu de déterminer dans une formule pour la fourniture d'électricité une part fixe du prix du gaz dans ce mélange.  Un mélange préféré par type de climat ou d'autres éléments de production pertinents conduit à diviser l'Union en sections. Ce faisant, une discrimination se présente entre les entreprises d'électricité qui utilisent dans cette section un mélange plus élevé de gaz et les entreprises d'électricité qui utilisent ce mélange de gaz, ainsi que les entreprises d'électricité qui n'utilisent pas de gaz ou moins que la part fixe et les entreprises d'électricité qui utilisent cette part fixe.

De tels effets peuvent être considérés comme étant à la fois discriminatoires et contraires à l'exigence spécifique de ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger l'intérêt économique général et la liberté des entreprises d'électricité de fixer leur prix de fourniture de l'électricité. 

Un plafond de la marge bénéficiaire brute basé sur la combinaison des coûts de production pour la fourniture de cette électricité au client permet de mieux atteindre l'objectif de protection de l'intérêt économique général et respecte la proportionnalité lorsqu'il est fixé à un niveau suffisamment élevé :

  • Pour obtenir une non-discrimination entre les entreprises d'électricité qui ont des mélanges différents d'électricité.  Une entreprise d'électricité qui acquiert cette électricité auprès d'une autre entreprise d'électricité à des prix plus bas dans le cadre du plafonnement de la marge bénéficiaire pourra à son tour vendre à des prix plus bas à ses clients tout en conservant une marge bénéficiaire pour elle-même.  On ne voit pas comment un plafonnement des prix peut laisser une place sur le marché de l'électricité à des entreprises d'électricité "intermédiaires" qui jouent un rôle essentiel en fournissant des informations et en comparant les prix aux consommateurs.
  • Les investissements dans les énergies renouvelables sont stimulés par des plafonds de marges bénéficiaires suffisamment élevés, ce qui peut être moins atteint par des plafonds de prix.
  • Les investissements dans la production d'électricité par combustion de gaz donneront la marge bénéficiaire la plus faible pour ce type de production dans le cadre d'un plafonnement de la marge bénéficiaire, car elle sera la plus élevée.  Un plafond de prix peut s’avérer suffisamment rentable pour maintenir ou augmenter la part de la production de gaz dans le mélange de l'entreprise d'électricité.
  • Un plafond élevé de la marge bénéficiaire laisse une meilleure base fiscale pour les mesures fiscales qui peuvent alléger la charge des dépenses publiques pour maintenir l'activité économique par des aides ou des mesures fiscales en cas de prix élevés du pétrole et du gaz.
  • Un plafond de marge bénéficiaire est moins envahissant qu'un plafond de prix dans la libre fixation des prix par les entreprises d'électricité. Cette liberté reste le principe de base du TFUE et de la directive n° 2019/944.

En interdisant un excès de profit dans le prix de fourniture, il résulte un prix de fourniture généralement plus bas en rompant le lien entre le facteur de production du gaz et le prix de fourniture de l'électricité aux clients.  Plus l'électricité n'est pas produite par le gaz, plus l'effet du plafonnement des marges bénéficiaires sur la baisse des prix pour l'ensemble de l'économie sera important.

Example :

(1) L'introduction d'un plafond de marge bénéficiaire brute élevé de 50 % sur les coûts de production de l'électricité fournie n'affecte pas considérablement l'efficacité de la mesure :

(2) Lorsque l'on fixe un plafond de prix pour le gaz par rapport à d'autres parties du monde, on obtient un effet moins bon sans un plafond de marge bénéficiaire sur les prix de l'électricité fournie. 

Si l'on considère les prix des marchés du gaz dans d'autres parties du monde et que l'on fixe par exemple le plafond des prix par rapport à ces autres marchés à 200 euros pour l'Europe (1/3 de moins que 300 euros dans l'exemple ci-dessus), on obtient des prix de l'électricité qui sont encore 100 % plus chers lorsqu'ils sont déterminés sans marge bénéficiaire brute.  Comparez 200 euros par MwH pour la fourniture d'électricité avec un plafond de marge bénéficiaire fixé à 30 % (81,90 euros) ou 50 % (95,25 euros).

Le choix pour les plafonds de marge bénéficiaire évite que plus de compensation pèse sur les budgets des États membres lors de l'aide aux clients (ménages et entreprises) qui peuvent acquérir de l'électricité à un prix inférieur.  Un plafonnement des prix peut donner le même résultat immédiat, voire un meilleur résultat, mais il est plus enclin à réduire la concurrence par les prix entre les entreprises d'électricité et peut donc conduire, sur une plus longue période, à un coût global généralement plus élevé pour les budgets des États en matière d'aide aux ménages et aux entreprises.

La remarque critique no. II

Cela concerne le principe du plafonnement des prix de l'électricité fournie.

Un plafonnement des prix de la fourniture d'électricité peut organiser un prix artificiellement élevé sur une longue période et fausser la concurrence en établissant une discrimination entre les entreprises d'électricité qui ont des combinaisons différentes de coûts d'acquisition de l'électricité qu'elles fournissent à leurs clients.  Il interfère davantage dans la libre détermination des prix qu'un plafond de marge bénéficiaire brute qui peut donner des résultats similaires sans autant d'interférence.  Un prix plafonné peut donc être considéré être en violation du TFUE et de la directive n°2019/944. 

Un plafond de marge bénéficiaire brute de 50 % interfère moins directement avec les droits des entreprises d'électricité en matière de libre fixation des prix et permet de mieux assurer la protection de l'intérêt économique général.  Il est conforme aux exigences du TFUE et de la directive n° 2019/944.

L'arrêt de la CJUE du 14 octobre 2021 dans l'affaire C-683/19 sur les obligations de service public qui prélèvent une contribution sur les recettes de certaines entreprises d'électricité espagnoles.

Le 14 octobre 2021, la CJUE a rendu son arrêt dans l'affaire C-683/19[1] concernant la contribution financière qui a été prélevée par l’Espagne en tant qu'obligation de service public par le biais d'une formule qui prend en compte le nombre de fournitures et le nombre de clients pour diviser, dans le cadre des entreprises d'électricité qualifiées en Espagne, les coûts pour toutes les entreprises d'électricité en Espagne pour fournir un tarif social qui a été mis en œuvre par l'Espagne en vertu d'une directive antérieure qui a organisé cette dérogation[2]. La manière dont ce tarif social a été mis en œuvre ne faisait pas partie des questions préjudicielles.  Selon la formule utilisée, 5 entreprises ont dû supporter 99 % de ces coûts.

La CJUE devait se prononcer sur les questions de savoir si une telle contribution financière prélevée uniquement sur certaines entreprises d'électricité pouvait être considérée comme conforme à l'exigence de non-discrimination et si une telle contribution pouvait être organisée sans respecter l'exigence de limitation dans le temps qui s'applique aux tarifs sociaux et sans obligation de compensation.

Sur la première question, la CJUE a jugé que

 "L’article 3, paragraphe 2, de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que le coût d’une obligation de service public, consistant à fournir de l’électricité à tarif réduit à certains consommateurs vulnérables, soit uniquement mis à la charge des sociétés mères des groupes de sociétés ou, le cas échéant, des sociétés qui exercent simultanément les activités de production, de distribution et de commercialisation d’électricité, dès lors que ce critère, choisi par le législateur national afin de distinguer entre les sociétés devant assumer ce coût et celles qui en sont totalement exemptées, conduit à une différence de traitement qui n’est pas objectivement justifiée entre les différentes sociétés opérant sur ce marché.".

La CJUE a considéré que des entreprises d'électricité peuvent être soumises, en vertu de l'article 106 du TFUE, à des obligations de service public.  Des obligations de service public sont des mesures qui ont pour effet de modifier le fait de la fourniture, la quantité fournie ou les conditions de la fourniture et ne peuvent être organisées que lorsqu'elles servent uniquement un intérêt économique général. Une telle mesure doit, en tant qu'obligation de service public, être en principe appliquée sans discrimination auprès de toutes les entreprises d'électricité actives dans ce secteur.

Il a été constaté que la contribution financière faisait partie intégrante de la mesure du tarif social qui frappe également ces mêmes entreprises d'électricité et constituait pour elles une obligation de service public distincte.  Toute différence de traitement doit être objectivement justifiée. Aucune justification objective n'a été trouvée entre les critères choisis et l'objectif de répartir le coût du tarif social selon le principe de la capacité contributive entre les entreprises d'électricité. 

A la deuxième question, la CJUE répond que le financement des mesures du tarif social doit être distingué du tarif social lui-même.  Leur financement peut être organisé comme une obligation de service public qui n'intervient pas en soi dans le mode de détermination du prix de la fourniture d'électricité.   Une telle mesure de financement ne relève alors pas de l'exigence d’une durée limitée et ne déclenche pas l'obligation de compensation des entreprises d'électricité qui y sont soumises.


[1]  CJUE, 14 octobre 2021, Viesgo Infraestructuras Energéticas SL e.a., C-683/19, EU:C:2021:847

[2] Article 3(2) de la DIRECTIVE 2009/72/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE, JO, 14 août 2009, L 211/55 (dérogation actuellement organisée par la Directive n° 2019/944, articles 5 et 9).

Que penser de l'imposition des excédents de bénéfices en tant que "dividendes de solidarité" à un taux d'imposition de 90 % ?

Un taux d'imposition de 90 % est clairement disproportionné.  Il a des effets similaires à ceux d'une expropriation de biens ou d'une amende qui entraîne l'obligation de motiver si cette sanction doit être appliquée ou non dans son intégralité dans ce cas précis.  On ne voit pas non plus comment on peut passer d'une marge bénéficiaire brute à une notion de dividendes à des fins fiscales ? Cette mesure sera difficile à justifier au regard des exigences de proportionnalité de la CEDH et de la Charte.

Si l'on se préoccupe de l'efficacité de la mesure et de la perception de recettes pour aider les entreprises (aides d'État) et les ménages en difficulté, il serait alors préférable de :

  • qualifier la vente d'électricité au-delà de la marge bénéficiaire brute plafonnée comme une infraction pénale,
  • fixer cette marge bénéficiaire brute à un taux suffisamment élevé de 50 % à des fins de proportionnalité,
  • assurer une taxation effective dans tous les secteurs par une marge bénéficiaire opérationnelle de 20 % sur les recettes perçues au-delà du ratio des recettes des ventes d'électricité /EBIT pour cette électricité de 2018 ou 2019 (période de référence avant Corona qui a entraîné une baisse anormale du côté de la demande),
  • en comparant ces ratios, on prend en compte les effets de l'inflation,
  • le taux d'imposition des sociétés sur ce revenu pourrait être fixé à des taux progressifs compris entre 25 % et 50 %.

Conclusions pour la mesure grecque ?

En optant pour une marge bénéficiaire brute plafonnée sur les coûts de production pour intervenir dans les prix de l'électricité fournie aux clients (entreprises et ménages) dans un but d'intérêt économique général, cette mesure peut être jugée conforme au TFUE et à la directive n° 2019/944.  La mesure semble donner des résultats efficaces pour lutter contre l'inflation dès le premier mois de sa mise en œuvre.

En optant pour les coûts de production historique au 1er septembre 2021, la mesure peut être jugée discriminatoire. En qualifiant les bénéfices excédentaires de dividendes imposés à un taux de 90 %, la mesure est en violation avec les exigences de proportionnalité de la CEDH et de la Charte.

Alors, que peut faire un État membre comme la Belgique en automne 2022 ?

Les États membres qui souhaitent adopter une mesure similaire et mettre en œuvre un plafonnement de la marge bénéficiaire sur le prix de l'électricité fournie à leurs ménages et entreprises, avec effet en octobre, feront bien de considérer l'arrêt du 14 octobre 2021 de la CJUE :

  • Le financement des mesures relatives aux tarifs sociaux peut être limité aux contributions financières de ce même secteur énergétique et organisé comme une obligation de service public.
  • Lorsqu'ellen'intervient pas dans le prix de l'électricité fournie, cette contribution financière ne doit pas être limitée dans le temps et ne donne pas lieu à compensation.
  • Cette mesure doit frapper en principe toutes les entreprises actives dans ce secteur sur la base de critères non discriminatoires. 

Une obligation de service public qui intervient également dans les prix de la fourniture d'électricité aux ménages et aux entreprises doit respecter toutes les exigences de l'article 9, paragraphe 2 de la directive n° 2019/944. 

Une contribution financière qui est prélevée uniquement sur les bénéfices de la production nucléaire d'électricité ou sur la base de la manière dont l'électricité est produite autrement n'est pas conforme à ces exigences.  Toutes les entreprises d'électricité qui sont autorisées à fournir de l'électricité au réseau national et à la vendre devraient en principe être prises en compte lors de la détermination des critères d'une contribution financière et des exemptions qui peuvent être objectivement justifiées. 

La mesure est considérée comme efficace et conforme aux exigences du TFUE et à la liberté des fournisseurs de fixer leurs prix lorsqu'elle prend la forme d'une marge bénéficiaire brute élevée (50 %) sur les coûts actuels de production de l'électricité fournie.

Sous cette forme, elle donne également les meilleurs résultats en réduisant le facteur gaz dans la détermination du prix de l'électricité fournie et permet ainsi des prix beaucoup plus bas que les entreprises et les ménages doivent payer. Elle entraîne par cet effet une réduction significative des dépenses publiques puisque moins d'aides financières seront nécessaires.

En interdisant les prix de vente qui dépassent la marge bénéficiaire brute, les recettes excédentaires peuvent être saisies et les contrevenants peuvent être tenus publiquement responsables de leur manque de considération pour l'intérêt économique général national afin de protéger les ménages et les entreprises pendant cette crise.

Lors de l'examen des mesures spécifiques qui font contribuer le secteur de l'énergie proportionnellement plus que les autres secteurs à ces besoins budgétaires, l'article 106 du TFUE qui protège l'intérêt économique général, et une capacité financière accrue peuvent être invoqués. La taxation sur cette base doit être en principe prélevée sur toutes les entreprises vendant de l'électricité sur le réseau national et les exemptions doivent avoir une justification objective. 

On pourrait suggérer des exemptions dans le cadre des "save harbors", comme un niveau minimum d'électricité vendue sur le réseau et une augmentation minimum des recettes brutes par rapport au ratio de 2018 ou 2019 entre les recettes brutes de la vente d'électricité / facteurs de production EBIT avec un écart de + 20 % sur ce ratio (inflation en partie) avant d'appliquer les taux progressifs de l'impôt sur les sociétés.

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