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20/06/2022

Taxer les bénéfices excédentaires des entreprises énergétiques: Qu'est-ce que l'on peut et ne peut pas faire et pourquoi ?

Taxer les bénéfices excédentaires des entreprises énergétiques: Qu'est-ce que l'on peut et ne peut pas faire et pourquoi ?

L'appel politique à taxer les bénéfices excédentaires des entreprises énergétiques prends son envol.  Qu'est-ce que l'on peut et ne peut pas faire et pourquoi ?  Nos Wanted Lawyers Paul Verhaeghe et Roel Deseyn ont longuement écrit à ce sujet.

Une question fiscale : comment faire contribuer les recettes supplémentaires de l'énergie ?

L'Agence internationale de l'énergie a calculé que les producteurs d'énergie de l'Union européenne disposeront en 2022 d'un revenu supplémentaire de 200 milliards d'euros. La Roumanie a introduit un impôt progressif sur les exploitants du gaz à un taux de 70% dans la tranche la plus élevée. D'autres États membres européens, tels que l'Italie et l'Espagne, ont introduit un impôt sur le revenu sur les soi-disant bénéfices excédentaires des produits énergétiques. Il s'agit de faire en sorte que ces entreprises contribuent davantage aux mesures qui aident les familles à faire face aux augmentations soudaines du prix de leur énergie.  Le gouvernement allemand réfléchit à l'opportunité d'introduire de telles mesures spéciales.   En Belgique, des propositions toutes genres sont faites par des partis politiques et des groupes d'experts. L'appel politique à taxer les bénéfices excédentaires de l'énergie prend son envol.  Qu'est-ce que l'on peut et ne peut pas faire et pourquoi ?

Wanted Law l’a demandé aux avocats Paul Verhaeghe et Roel Deseyn de Wanted Law Tax.

Qui sont nos auteurs?

Nos auteurs sont des experts en fiscalité.

Paul Verhaeghe est avocat à Bruxelles et à Bellegem (Courtrai). Il est avocat fiscaliste et possède une expérience en droit pénal financier, en droit des assurances, en droit de la responsabilité des professions du chiffre et en droit des successions.

Roel Deseyn est avocat à Bellegem (Courtrai) et a été membre de la Commission des finances et du budget à la Chambre des représentants pendant de nombreuses années. Il pratique le droit fiscal et de droit pénal. Il est également assistant en droit des obligations à la KU Leuven.

Dans des circonstances exceptionnelles, de tels impôts spéciaux ont-ils déjà été votés en Belgique ?

Depuis la Seconde Guerre mondiale, il existe dans l'histoire belge deux cas où des impôts des sociétés spéciaux sur les bénéfices supplémentaires des sociétés ont été décidés.  En 1952, au moment de la guerre de Corée, un impôt supplémentaire de 25 % a été prélevé sur les bénéfices supplémentaires. Le législateur belge a alors considéré qu’il était : 

"inconcevable que certaines classes privilégiées s'enrichissaient (...) alors que les citoyens doivent supporter le poids de la hausse des prix des produits (...)".

Au milieu des années 1970, à la suite de la crise pétrolière, un impôt supplémentaire sur les sociétés de 4,8 % a été prélevé sur les bénéfices supérieurs à 6 %. Dans cette perspective historique, il est logique que, dans les circonstances que nous connaissons aujourd'hui, des mesures spéciales similaires soient également préconisées en Belgique et dans d'autres États membres européens afin de faire contribuer plus ces bénéfices excédentaires obtenus par les prix de l'énergie.

Qu'est-ce qui est différent de cette époque ?

La principale différence est que, depuis les années 1980, il existe en Belgique une cour constitutionnelle qui vérifie si les lois fiscales ne sont pas discriminatoires.  Contrairement à la plupart des autres pays, les contribuables belges ont un accès direct à la Cour constitutionnelle pour contester et, si nécessaire, faire annuler les lois fiscales. 

Depuis le milieu des années 1990, l'Organisation mondiale du commerce accorde une protection contre les mesures discriminatoires aux entreprises situées à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union européenne par le biais du traité du GATT (Accord général sur le commerce et les tarifs douaniers).  Ce traité prévoit son propre tribunal et sa propre cour au sein desquels des pays peuvent s'affronter et demander une compensation s'ils estiment qu'un régime fiscale extraordinaire est en fait dirigée contre leurs ressortissants et les discrimine.

Même au sein de l'Union européenne, les années 1950 et 1970 ne sont que difficilement comparables en termes d'obligations pour les législateurs nationaux de ne pas opérer de discrimination par l’adoption des régimes fiscales extraordinaires.  Depuis l'introduction de la Charte des droits fondamentaux, une inégalité de traitement entre les contribuables doit toujours être particulièrement justifiée.  La Cour de justice procédera à cette appréciation lorsqu'il sera invoqué que les effets d'une loi fiscale nationale entravent les libertés fondamentales.  Cela peut être le cas si la mesure fiscale impose également les revenus des sociétés établies dans un autre État membre.  Ensuite, les exigences du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne entrent en jeu.  La Cour de justice veille ainsi à ce que les États membres européens tels que la Belgique doivent justifier les effets de leurs lois fiscales sur les droits et libertés fondamentaux.

Et puis il y a les conventions fiscales bilatérales entre pays qui sont interprétées et appliquées de manière évolutive. Entre les États membres de l'Union européenne, une directive régit, à partir des revenus 2018, la procédure de discussion sur l'application de ces traités.  De même, cette réglementation introduite en Belgique avec la loi du 2 mai 2019 transposant la directive (UE) 2017/1852 du Conseil du 10 octobre 2017 relative aux mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l'Union européenne (M.b., 17 mai 2019) a renforcé de manière significative les droits des entreprises qui estiment avoir été traitées de manière inégale de soumettre une loi fiscale nationale extraordinaire à l’examen au regard de l'exigence de non-discrimination.

Le pouvoir du législateur d'adopter aujourd'hui des mesures fiscales extraordinaires exige donc, contrairement aux législations antérieures qui ont décidé de telles mesures, une motivation particulièrement claire et complète de ce qui (1) est la raison de la mesure spéciale, (2) quel est exactement le but de la mesure et (3) quels critères sont pertinents pour atteindre effectivement ce but, (4) sans aller au-delà de ce qui est nécessaire.

Quels partis politiques avancent quelles propositions et répondent-t-elles à ces exigences?

La semaine dernière, le groupe d'experts nommé par le gouvernement fédéral pour le conseiller sur les mesures à prendre pour stimuler le pouvoir d'achat a formulé une série de recommandations, dont celle de taxer les bénéfices excédentaires des entreprises énergétiques.  Ceci, toutefois, sans aucune explication sur la meilleure façon de procéder.  Ces dernières semaines, les médias ont fait état de divers appels de la gauche à introduire des mesures spéciales : le Parti Vooruit veut un régime imposant un impôt supplémentaire de 10 % d’impôt des sociétés sur des dites "bénéfices excédentaires", calculés selon une méthode qui remonte à la guerre civile américaine de 1861 et qui a été reprise par les États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale ; le Parti Groen veut un impôt spécial sur les bénéfices des entreprises du secteur de l'énergie qui exploitent des centrales nucléaires  et le PTB-PVDA bat le tambour pour l'introduction d'un impôt sur les millionnaires et d'un prélèvement pouvant atteindre 75 % sur les bénéfices qui dépassent un bénéfice moyen.

Les détails exacts de ces trois propositions ne nous étaient pas connus au moment de la rédaction de ce blog mais, sur la base de ce que nous avons pu lire dans la presse, les points suivants semblent importants à garder à l'esprit :

(1) Quelle circonstance exceptionnelle est invoquée comme motif ?

Les propositions qui font référence à des circonstances historiques de guerre ou à une grave dépression économique auront des difficultés si la Belgique n'est pas en guerre au moment de l'introduction de la mesure exceptionnelle ou si l'économie n'est pas encore au moins en grave récession. 

La proposition du Vooruit qui fait référence à des mesures historiques en raison de circonstances exceptionnelles qui n'existent pas (encore) aujourd'hui nous semble rencontrer des difficultés pour justifier l'introduction d'un régime spécial historique similaire en 2022.  Toutefois, la proposition de Vooruit, comme les autres propositions, fait également référence aux hausses de prix soudaines comme raison de procéder à une mesure fiscale spéciale qui taxe plus lourdement des bénéfices supplémentaires (les bénéfices excédentaires).

À notre avis, une mesure fiscale spéciale peut être justifiée de manière adéquate en raison de la soudaine augmentation internationale des prix des biens indispensables. Comme l'énergie, pour laquelle le gouvernement a décidé d'atténuer l'impact sur les acheteurs par des mesures ad hoc.  Il s'agit d'une circonstance exceptionnelle qui justifie l'introduction d'un régime spécial en matière de l'impôt sur les sociétés pour les vendeurs qui continuent à produire ou à acheter de l'énergie sans augmentation significative de leurs coûts mais qui, en raison des mêmes conditions du marché international, ont soudainement été en mesure de vendre cette énergie en 2022 avec des revenus supplémentaires sensiblement plus élevés.

(2) Que veut-on obtenir ?

Les circonstances exceptionnelles provoquent des effets auxquels les mesures spéciales sont destinées à remédier.   Pour passer l’examen, par exemple en ce qui concerne la nécessité de financer des mesures pour préserver le pouvoir d'achat, il doit y avoir un lien logique de cause à effet entre la mesure fiscale exceptionnelle et un appauvrissement soudain d'une partie de la population et des entreprises pour acheter des choses indispensables et un revenu supplémentaire excessif qui apparaît soudainement chez les vendeurs de ces choses. 

L'objectif de la mesure fiscale spéciale est alors de faire en sorte que la capacité financière accrue par des ventes en Belgique contribue davantage à la charge budgétaire supplémentaire soudaine pour la Belgique.  Il est considéré comme injuste que les bénéfices excédentaires ainsi réalisés ne contribuent pas plus que les impôts sur les sociétés normalement dus sur ces bénéfices excédentaires.  Après tout, toutes les entreprises paient par des taux similaires en matière de l'impôt sur les sociétés, ce qui signifie qu'à taux égal, le coût budgétaire devra être supporté pour une part beaucoup plus importante par les citoyens et les entreprises qui doivent déjà payer ces coûts soudainement plus élevés. Ils paient donc deux fois en réduisant leur capacité financière, tandis que les vendeurs ne contribuent qu'une fois en augmentant leur capacité financière.  Il est alors considéré comme équitable de rechercher un équilibre plus juste entre les contribuables par le biais de la mesure fiscale spéciale. Cela se fait par le biais d'une contribution majorée qui fait que les entreprises concernées paient une deuxième fois comme les autres contribuables. C'est ce qu'on appelle le but ou l'objectif à atteindre de la mesure fiscale spéciale et qui est donc motivé par des raisons d'équité pour répartir entre contribuables la charge fiscale supplémentaire en fonction de cette capacité financière modifiée (principe de l’Ability-to-pay).

A cet égard, la proposition du PTB-PVDA ne nous semble pas être dans un lien logique entre la cause et l'objectif de la norme car elle travaille avec un bénéfice moyen qui peut être indépendant de la cause.  Des entreprises pouvaient déjà être très rentables avant, et les millionnaires l'étaient sans doute déjà avant la pandémie de Covid, la transition énergétique ou la crise énergétique, qui sont invoquées comme des causes.  Des bénéfices supérieurs à une moyenne peuvent parfaitement être réalisés par des ventes qui ne bénéficient pas des hausses de prix internationales.  L'introduction de ces mesures n'est pas logiquement liée aux causes invoquées car il n'y a pas d'augmentation de la capacité financière pour cette cause.  Ce critère ne fait que le constat d’une capacité financière indépendamment de sa cause.  L'effet, et donc l'intention, d'une telle proposition est de mener une politique générale de redistribution invoquant ces causes exceptionnelles.  Toutefois, comme il n'y a pas de lien avec la cause de la modification de la capacité financière entre les contribuables, cette mesure peut être maintenue après son introduction.  Et ce, même après le retour des prix internationaux de l'énergie à un niveau inférieur.

La proposition du Vooruit nous semble rencontrer également des problèmes à cet égard, tout comme n'importe quelle autre proposition qui parle de bénéfices "excédentaires".  Des marges bénéficiaires importantes pourraient déjà exister dans des entreprises ou être dues à toutes sortes de raisons sans rapport avec les circonstances exceptionnelles.   Il doit donc être possible de justifier le lien avec un avantage effectivement obtenu par les conditions spécifiques du marché qui, en même temps, a causé un désavantage à d'autres que la mesure spéciale cherche à atténuer.

Sans ce lien, la mesure spéciale a un effet redistributif général qui peut perdurer après que les circonstances particulières du marché et ce désavantage ont cessé. Et cela peut mettre en difficulté ce régime fiscal spécial si cet effet n'a pas été explicitement justifiée lors de l'introduction de la mesure spéciale comme voulu.

Pour le "bénéfice excédentaire", qui, du point de vue de l'objectif d'équité poursuivit par la norme, devrait être en relation logique avec la cause des mesures fiscales spéciales, il faudrait au moins établir d'abord que des revenus supplémentaires significatifs ont effectivement été générés par les ventes en Belgique d'énergie par les vendeurs d'énergie.  Et ensuite vérifier dans quelle mesure des revenus imposables supplémentaires ont été déclarés en Belgique.  Qui devraient alors être taxés à un taux plus élevé en raison de l'objectif de la norme. Ce afin d'obtenir une contribution plus équitable en fonction de la capacité financière modifiée entre les contribuables.

(3) Comment y parvenir ?

Les critères de la mesure fiscale spéciale qui augmentent la contribution des bénéfices excédentaires des entreprises du secteur de l'énergie doivent garantir que davantage d'impôt sur les sociétés est effectivement payé par ceux qui ont pu obtenir davantage de revenus imposables en raison de la hausse des prix de l'énergie. 

Aussi pour cette troisième exigence, la proposition de Vooruit d'appliquer des critères historiques pour déterminer le bénéfice excédentaire nous semble problématique. Après tout, notre économie a évolué, passant de la production de fer et d'acier à des moyens numériques de créer de la richesse.  Les vieilles recettes qui reposent sur d'importants besoins en capitaux pour produire davantage doivent justifier pourquoi elles constituent un moyen efficace d'atteindre le but recherché dans une économie numérique où la production est co-déterminée par l'utilisateur à un coût supplémentaire négligeable.

Tout critère visant à établir un bénéfice "excédentaire" pour appliquer la mesure spéciale nous semble arbitraire et inefficace pour exprimer proportionnellement une augmentation de la capacité financière. Pourquoi 10 millions d'euros de revenus imposables supplémentaires obtenus uniquement en raison de la modification des conditions du marché sont-ils soumis à une contribution supplémentaire dans un cas et pas dans l'autre ? Quel est le rapport avec le niveau de la marge bénéficiaire ? La rentabilité comptable est-elle un critère logique si l'on reçoit simplement plus ? Après tout, les "anciens" prix incluaient déjà tous les coûts de production. 

De plus, le critère d'une augmentation du bénéfice déclaré (bénéfice excédentaire) pour taxer plus lourdement ou pas, ouvre la porte à toutes sortes de conséquences indésirables car les entreprises essaieront de déclarer moins de bénéfices. D'un point de vue comptable, il peut se passer beaucoup de choses avant qu'un revenu imposable supplémentaire ne se traduise en bénéfice déclaré supplémentaire.  L'entreprise peut prendre toute une série de décisions pour engager des dépenses extraordinaires à cause de ce régime spécial.  Que se passe-t-il si une entreprise décide de faire des investissements extraordinaires ou de procéder à une série d'augmentations de capital juste pour éviter de tomber dans le critère du bénéfice « excédentaire » ?  Les coûts peuvent également être transférés d'un État membre à l'autre et, à la suite des transferts de sièges, le résultat final peut être une contribution moindre en Belgique.

Remarque critique n° I concernant le bénéfice excédentaire comme critère d'imposition.

L'excédent de bénéfices fait référence aux bénéfices comptables qui peuvent être transférés par des transferts de sièges sociaux et toutes sortes de mécanismes d'évitement, ce qui peut résulter finalement dans la collecte de moins d'impôts sur les sociétés.

Nous préconisons donc de taxer sur la base d'une augmentation significative du revenu imposable.  Le terme " recettes supplémentaires " désigne ce qui a été dépensé en flux de trésorerie au cours de l'exercice financier pour obtenir l'énergie et ce qui a été reçu en flux de trésorerie pour cette énergie.  Le revenu net supplémentaire est alors soumis à un taux progressif d'impôt sur les sociétés pouvant atteindre 50 % (le double du taux normal pour les augmentations les plus élevées), duquel peut être déduit l'impôt sur les sociétés normalement dû, selon les règles normales, sur ce revenu supplémentaire imposable. Ces critères ne dépendent d'aucune décision de gestion du vendeur susceptible de réduire ou d'augmenter le bénéfice comptable, rendent donc inutiles les mécanismes d'évitement et sont logiquement liés à l'objectif de la norme.   Lorsque les prix du marché international reviendront à un niveau normal, il n'y aura plus d'augmentation significative du revenu imposable et le régime spécial s’éteindra progressivement dans l’attente d’être aboli.

(4) Sans aller plus loin que nécessaire ?

La principale cause de la hausse des prix sur les marchés internationaux en 2022 est la rareté d'une matière première en raison de la guerre en Ukraine : le gaz.  Avant cela, il y avait déjà eu des augmentations de prix importantes en 2021 en raison de la relance de l'économie mondiale, qui n'ont pas pu être absorbées à temps par les producteurs de gaz et de pétrole. L'approvisionnement en gaz étant devenu incertain, l'électricité produite à partir du gaz devient plus chère.  Cela se reflète dans le prix de l'électricité vendue sur le marché international.  Cela concerne notamment de l'électricité qui n'est pas produite à partir de gaz et qui permet donc d'obtenir des revenus supplémentaires importants sans coûts supplémentaires significatifs.

Les propositions du Vooruit et du PTB- PVDA utilisent des critères qui taxent les bénéfices excédentaires là où ils se manifestent sans aucun lien logique avec ces causes.   Ils risquent de discriminer par leurs propositions lorsque les entreprises démontrent qu'elles avaient déjà des bénéfices élevés qui n'ont pas été causés par de soudains bénéfices excédentaires provenant de la vente d'électricité.

La proposition de Groen rapportée par la presse se concentrerait principalement sur des entreprises énergétiques, comprenez les producteurs de l'énergie nucléaire.  Toutefois, l'énergie éolienne et l'énergie solaire peuvent également bénéficier de manière significative de l'augmentation soudaine des revenus si ces entreprises ne sont pas liées par des contrats portant sur des prix de livraison fixes. Le fait de cibler un modèle d’affaires spécifique alors que des modèles d’affaires concurrents sont également à l'origine de gains soudains et importants, risque également d'être considéré comme une forme de discrimination pour laquelle il n'existe aucune justification raisonnable. Soumettre 'un modèle d’affaires à un régime fiscal spécifique doit être particulièrement bien justifiée afin d'éviter une discrimination.

Remarque critique n° II sur le ciblage des entreprises du secteur de l'énergie.

Tous les producteurs et fournisseurs d'électricité en Belgique peuvent encaisser des recettes supplémentaires importantes, de sorte qu'il n'y a pas de justification proportionnée pour ne prendre en compte que l'augmentation de la capacité financière des entreprises énergétiques.  Toute entreprise qui vend cher son électricité acquise à bas prix devrait en principe tomber sous le coup de la mesure fiscale spéciale  Ceci de manière proportionnée à l'augmentation de la capacité financière provenant de ces ventes.

Nous plaidons à ces motifs que tous les producteurs et distributeurs d'électricité devraient être soumis à un régime spécial qui vise une répartition plus équitable des charges.  Cela concerne donc toutes les entreprises qui, par exemple, disposent de panneaux solaires, d'éoliennes ou de procédés industriels dérivés qui leur permettent de produire ou procurer leur électricité à un coût fixe et de vendre eux-mêmes aux prix du marché majorés. Cela est donc proportionnée à une augmentation significative effective de leur capacité financière résultant des recettes supplémentaires importantes encaissées par les hausses de prix internationales. 

Notre conclusion ?

Toutes les propositions politiques concernant l'imposition plus lourde des bénéfices excédentaires (de l'énergie) que nous avons pu lire dans la presse jusqu'à présent, comportent un risque important d'être considérées comme discriminatoires.

Alors, que peut-on faire ?

Les contribuables belges subissent directement et indirectement les effets de la hausse soudaine des prix de l'énergie.   Les efforts supplémentaires ponctuels du gouvernement sont financés par de l'argent emprunté qui devra être remboursé par tous les contribuables belges d'une manière ou d'une autre.   Il est alors juste de demander à ceux qui disposent d'une capacité financière nettement supérieure, obtenue grâce à la hausse des prix, de contribuer davantage (principe de la capacité contributive – Abilitiy to pay).

En outre, tant les efforts ponctuels du gouvernement fédéral (tarif social, réduction des accises, réduction de la TVA) que les efforts structurels (indexation) permettent aux acheteurs d'électricité de continuer à payer ces prix élevés. Tous les fournisseurs et vendeurs d'électricité en Belgique bénéficient donc directement ou indirectement des mesures de protection sociale en Belgique.  On peut donc leur demander de participer davantage au coût de ces mesures (principe de l'avantage obtenu - benefit).

L'équité demande à ces motifs de mesurer l'augmentation des revenus perçus en Belgique en raison des conditions exceptionnelles du marché.  Cette augmentation a été payée par des contribuables belges. Si cette augmentation des revenus n'est pas accompagnée par une augmentation des dépenses pour le vendeur, alors ces recettes supplémentaires ont été générés par ces circonstances exceptionnelles du marché. Il est alors justifié que tous les vendeurs d'électricité contribuent progressivement selon l'augmentation de leur capacité financière par le biais de ces recettes supplémentaires. En conséquence, les contribuables belges dans leur ensemble devront contribuer proportionnellement moins aux mesures de soutien de leur pouvoir d'achat.  Ils paient ensuite moins la "deuxième fois" (voir ci-dessus) grâce aux contributions plus élevées de ceux qui ont vu leur capacité financière s'améliorer à la suite de l'augmentation des prix de l'énergie.

Pour imposer l'augmentation du revenu imposable et de la capacité financière de manière équitable et efficace en fonction de l'augmentation réelle, il faut abandonner le concept comptable de bénéfice.  Le chiffre des recettes net qui est obtenu au cours de cet exercice en déduisant des fonds entrants provenant des recettes supplémentaires les fonds sortants pour le prix de revient de la production ou de l'achat d'électricité constitue un critère pertinent pour mesurer objectivement l'augmentation de la capacité financière par exercice. 

Si cette augmentation du revenu net s'avère très importante, par exemple parce que le vendeur détient une part de marché importante, il est juste de demander aux vendeurs d'électricité en Belgique de contribuer encore plus par le biais d'un impôt progressif sur la fortune allant jusqu'à 50 %, dont l'impôt sur les sociétés payé sur base du bénéfice comptable déclaré est déductible.

Si cette augmentation de la capacité financière s'avère modeste parce que les ventes ne sont pas nombreuses, il n'y a pas de justification proportionnée pour les taxer plus lourdement.  Nous proposons d'exonérer les vendeurs de moins d'un million de kWh en Belgique et de ne taxer plus lourdement les vendeurs que si l'augmentation des recettes nettes est d'au moins 20 % par rapport au ratio de l'exercice 2019 entre les fonds entrants et sortants de la vente d'électricité en Belgique.

L'augmentation significative de la capacité financière active une base imposable spéciale pour le calcul d'un impôt sur les sociétés progressif sur le revenu net de la vente d'électricité en Belgique.  Nous considérons la progression suivante :

  • L'augmentation est inférieure à 100 millions d'euros ?  Le taux de 25 % s'applique.
  • L'augmentation se situe entre 100 et 250 millions d'euros ?  Un taux de 30% s'applique à cette bande.
  • L'augmentation se situe entre 250 et 500 millions d'euros ?  Un taux de 40 % s'applique à cette tranche.
  • L'augmentation est de plus de 500 millions d'euros ?  Un taux de 50 % s'applique au taux le plus élevé.

L'impôt sur les sociétés dû sur la part des ventes en Belgique en fonction du bénéfice comptable déclaré est déductible.

Une telle proposition visant à taxer plus les recettes supplémentaires obtenues de la vente d'énergie en Belgique, réponde-t-elle à son tour aux quatre exigences contre la discrimination ?

(1) Quelle circonstance exceptionnelle est invoquée comme motif ?

Notre proposition veille sur un lien logique entre la cause et l'ampleur des dépenses effectuées en Belgique par le gouvernement fédéral pour faire face aux hausses des prix internationaux de l'électricité, d'une part, et l'ampleur des revenus des vendeurs d'électricité en Belgique, d'autre part.

Dès que les prix du marché international commencent à baisser, les coûts pour les acheteurs et les revenus pour les vendeurs diminuent en conséquence.  Dès que le niveau de 20 % est atteint par rapport à 2019 dans le rapport des fonds entrants et sortants au cours de cet exercice, la mesure fiscale extraordinaire ne s'appliquera plus à cette société. L'augmentation restante de la capacité financière ne justifie plus une correction.

(2) Que voulons-nous atteindre ?

Que l'augmentation de la capacité financière des vendeurs d'électricité en Belgique conduise à une répartition plus équitable de la charge budgétaire pour les contribuables belges qui paient deux fois ; une fois pour leurs propres coûts énergétiques et une seconde fois pour la charge budgétaire du gouvernement. Leur capacité financière est réduite. Les vendeurs paient une fois l'impôt normal sur les sociétés comme tout le monde et contribuent une seconde fois en proportion de l'augmentation de leur capacité financière provenant des ventes d'énergie en Belgique.   L'effort global est ainsi plus équitablement réparti.

(3) Comment y parvenir ?

Tous les vendeurs d'électricité en Belgique qui parviennent à vendre à des prix de marché variables et à produire à moindre coût, et donc à réaliser des recettes supplémentaires importants, sont progressivement taxés en proportion de l'augmentation de leur capacité financière provenant des ventes en Belgique.

Les vendeurs d'électricité qui ont dû l'acheter eux-mêmes à un prix élevé n'auront pas une augmentation significative des recettes de ces ventes et, en raison du ratio, ne tombent pas sous le coup de la mesure fiscale spéciale parce que leur capacité financière n'a pas augmenté dans une mesure significative à la suite des cotations internationales des prix.

Il existe un lien logique entre la cause, la cible et les critères.

(4) Sans aller plus loin que nécessaire ?

Seuls les revenus de la vente d'électricité en Belgique sont visés car seuls ces revenus bénéficient de la préservation du pouvoir d'achat des clients belges grâce aux mesures prises par le gouvernement fédéral.

Les augmentations limitées de la capacité financière provenant de la vente d'électricité en Belgique sont exemptées pour les volumes vendus inférieurs à 1 million de kWh.  Cela permet également de s'assurer que la mesure fiscale spéciale n'entre pas en conflit avec d'autres objectifs liés à la transition énergétique.

En se fixant à un ratio, le mécanisme s'éteindra lorsque les prix du marché international reviendront à un niveau normal.

Cela est-il possible, un impôt sur les sociétés progressif basé sur un chiffre d'affaires net et appliqué uniquement aux ventes d'électricité en Belgique ?

Oui, c'est possible.  Nous citons les passages suivants de l'arrêt du 2 mars 2020 de la Cour de justice (CJUE, 3 mars 2020, Vodafone Magyarország Mobil Távközlési Zrt. c. Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága, C-75/18) concernant un impôt hongrois sur les sociétés progressif introduit uniquement sur le chiffre d'affaires réalisé par les sociétés de télécommunications en Hongrie :

«49. Toutefois, il convient de rappeler que les États membres sont libres, en l’état actuel de l’harmonisation du droit fiscal de l’Union, d’établir le système de taxation qu’ils jugent le plus approprié, de sorte que l’application d’une taxation progressive relève du pouvoir d’appréciation de chaque État membre (voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 1976, Bobie Getränkevertrieb, 127/75, EU:C:1976:95, point 9, ainsi que du 6 décembre 2007, Columbus Container Services, C‑298/05, EU:C:2007:754, points 51 et 53).

50.  Dans ce contexte, et contrairement à ce que soutient la Commission, une imposition progressive peut être assise sur le chiffre d’affaires, dès lors que, d’une part, le montant du chiffre d’affaires constitue un critère de distinction neutre et que, d’autre part, il constitue un indicateur pertinent de la capacité contributive des assujettis.

51.  En l’occurrence, il ressort des éléments dont dispose la Cour, en particulier du passage du préambule de la loi relative à l’impôt spécial grevant certains secteurs reproduit au point 4 du présent arrêt, que, par l’application d’un barème progressif assis sur le chiffre d’affaires, cette loi a visé à imposer les assujettis disposant d’une capacité contributive « supérieure à l’obligation fiscale générale ». » 

Au niveau belge, la Cour constitutionnelle applique le principe de n'exercer qu'un contrôle marginal lorsqu'un gouvernement prend une mesure fiscale en rapport avec ses propres pouvoirs.

Si l'on opte pour le critère des recettes supplémentaires pour taxer l'augmentation de la capacité financière des vendeurs d'électricité en Belgique, nous estimons qu’une recette annuelle minimale de 2 milliards d'euros est possible tant que les cotations élevées des prix persistent.

A notre avis, il est donc possible de parvenir à une répartition plus équitable, proportionnelle à la capacité financière modifiée des charges imposées par les hausses de prix internationales.  Ceci pour autant que l'on veille à ne pas créer de discrimination par un choix malheureux entre la cause, l'objectif de la norme ou les critères d'une telle mesure fiscale spéciale.

Afin de pouvoir encore taxer efficacement, une telle loi doit être soumise d'urgence pour être votée et publiée au Moniteur belge en 2022. Avec ce blog, nous espérons contribuer et accélérer le débat sociétal et politique, car le temps est compté.

 

Roel Deseyn et Paul Verhaeghe

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